Burensteinas, un alchimiste dans la lumière

Burensteinas, un alchimiste dans la lumière

C’est en 2015 que je fis la connaissance de cet étrange personnage à travers un documentaire sur Rocamadour ; cheminant dans un vallon boisé, il y contait sa lecture personnelle d’une nature magique et peuplée d’esprits. De quoi enchanter ma sensibilité et surtout titiller ma curiosité.
Explorant Youtube, je découvris avec étonnement le nombre considérable d’interview et de vidéos auxquelles il s’était prêté. L’homme s’y présentait toujours comme un alchimiste, et pas n’importe lequel puisque revendiquant le titre “d’Adepte”, autrement dit un alchimiste ayant trouvé la pierre philosophale… rien que ça ! Comment, il y aurait donc encore aujourd’hui des alchimistes, cette vieille science du moyen age qui fit tourner tant de têtes assoiffées d’or et de pouvoir ?… et la pierre philosophale ne serait pas un mythe inatteignable ? Pour répondre à toutes ces questions et bien d’autres, je décidais de m’intéresser de plus près à cet alchimiste des temps modernes en lui proposant le principe d’un reportage photographique : je le suivrais au cour de divers événements auxquels il participe, à la manière d’un observateur neutre et silencieux (ou presque), pour tenter de saisir et restituer l’aura de ce leader d’opinion ésotérique.
Car j’allais bientôt mesurer à quel point Patrick Burensteinas est une star dans son domaine. Fort de plus de 5 000 fans sur facebook et de milliers d’admirateurs, lecteurs ou auditeurs de ses multiples conférences, il jouit d’une notoriété grandissante, savamment entretenue par ses interventions médiatiques, son exploitation du web et des réseaux sociaux. Si tout alchimiste est un chercheur de lumière – intérieure -, Burensteinas est aussi grand amateur des feux de la rampe ; il le reconnait lui-même, il adore être sur scène pour faire de ses interventions de petits spectacles, à la manière de ses prestations aux “Témoins des possibles”. En atteste du reste la photo qu’il a choisi pour illustrer ses vœux 2017 sur son compte facebook : un portrait de lui dans un théâtre… CQFD.
Mais qu’est-ce qui peut bien pousser un alchimiste, coutumier des choses cachées, à devenir un personnage public prêchant la bonne parole d’un art qui s’évertue à vivre dans le secret depuis des siècles ? A l’instar de l’acteur qui ne fait la promo d’un film que lorsqu’il y joue, Patrick Burensteinas aurait-il quelque intérêt à médiatiser l’alchimie ? “Pour connaitre quelqu’un, n’écoute pas ce qu’il dit, mais regarde ce qu’il fait”, conseil le Dalai Lama ; appliquons donc cette méthode.
Né en 1956 et physicien de formation, il œuvre tout d’abord dans la sécurité informatique ; les éléments sur son passé restent toutefois à ce jour très diffus et peu vérifiables. Mais aujourd’hui, Patrick Burensteinas est avant tout un chef d’entreprise. Il anime des stages, des formations, des conférences, ou accompagne des voyages lointains par le biais d’Orifaber, la bien nommée, une SARL qu’il co-gère avec sa compagne ; avec plus de 167 000 euros de chiffres d’affaire en 2015, la petite entreprise sans salariés ne connait pas la crise. En 1990 Burensteinas lance “la Trame”, une nouvelle approche de soins énergétiques à mi chemin entre le reiki et la kinésiologie, qui compte aujourd’hui près de 400 praticiens. En 2012 l’alchimiste crée “le Collège”, un fonds de dotation destiné à préserver le patrimoine artisanale et culturel : les très couteux livres anciens d’alchimie, pour lesquels Patrick Burensteinas se passionne, peuvent y trouver leur place. Il est aussi co-fondateur d’une école initiatique alchimique dénommée AZOTH et s’est lancé, en 2009, dans la production de compléments alimentaires via la société Transnutrition aujourd’hui basée en Suisse. Enfin, l’alchimiste est aussi auteur de quelques fascicules qui se vendent bien (dont une récente biographie), et le principal acteur d’une série de dvd. De fait, Burensteinas aime écrire et créer.
A grand alchimiste, grands projets, et monsieur Burensteinas met lui-même en scène ses ambitions. D’une passion il a fait un métier, et s’il ne change pas le plomb en or pour faire fortune, Patrick Burensteinas est en passe de devenir le golden boy de l’alchimie contemporaine ; tout du moins, de ceux qui en parlent.
“Si l’alchimie a retrouvé ses lettres de noblesses, c’est grâce à moi” … PB
En côtoyant cet homme, à la fois brillant orateur et grand érudit de sa spécialité, on ne peut que tomber sous le charme de sa vision du monde visible et invisible. Car la vitrine est belle, riche et éblouissante, le discours précis et bien rodé. L’alchimie offre un cadre à la fois mystérieux, rigoureux et fort diversifié dans lequel bien des gens en quêtes d’une voie spirituelle originale peuvent s’essayer. Se présentant comme un Maitre, mais se défendant d’être un gourou, Patrick Burensteinas se targue d’avoir remis au gout du jour le “Grand Art” (une des appellations de l’alchimie) et de lui avoir redonné ses lettres de noblesses. Fidèles à leur philosophie, ses confrères se font en revanche bien plus discrets et cultivent leur art sans publicité ; ce grand fossé ne manque pas de créer quelques tensions et de nombreuses critiques au sein du petit Landerneau alchimique : une voie spirituelle peut-elle être monnayée, l’alchimie s’épanouit-elle dans le prosélytisme ?… Burensteinas semble avoir tranché.
“si c’est une attaque personnelle, je n’hésites pas à rentrer dedans comme il faut !”… PB
Partisan du tac au tac, il renvoie dans les cordes tous ces contestataires. Car si le Burensteinas alchimiste semble ouvert et bienveillant, l’homme, lui, supporte difficilement la contradiction et s’agace facilement ; aussi débordé qu’un grand patron, Patrick Burensteinas entend bien régenter tout ce qui le concerne, selon son point de vue et ses intérêts du moment, fussent-ils changeants. C’est ainsi qu’après m’avoir donné son accord et son soutien pour réaliser ce reportage photographique, il s’est récemment insurgé sans explications contre la perspective de le voir publier dans la presse ; plusieurs mois de travail mis à bas, mais l’alchimiste n’en a cure.

A la manière d’un missionnaire, Patrick Burensteinas adresse ses interventions publiques aux “profanes” (c’est ainsi qu’il désigne les non-alchimistes), qui n’ont pas ou peu de connaissances en la matière ; certaines associations de développement personnel s’en délectent et le mette à la une de leurs évènements. Les plus assidus suivront ses modules de formations et pourront ensuite bénéficier d’échanges plus pointus. Mais vous ne trouverez nul débat ou réflexions médiatisées avec ses égaux, ou supposés tels, pour le moment. Après avoir approché Patrick Burensteinas, je ne peux éviter de m’interroger sur le personnage, son ego et sa réelle empathie pour autrui. Le succès de Burensteinas lui monterait il à la tête ? … L’intéressé s’en défend.

J’ai tenté de capter par la photographie la part de lumière de cet homme pour le moins ambivalent qui m’a fait découvrir l’existence d’une alchimie contemporaine…

(article rédigé en 2017)

réponse / réaction de PB

 

NB : Ce petit article a été rédigé dans le contexte et la vérité d’une époque précise ; les choses et les gens changent, mais surtout le ressentiment est un poison qu’il faut savoir évacuer au plus vite. Je n’ai, pour ma part, plus aucun grief à l’encontre de cet alchimiste. P. Burensteinas a été victime dernièrement (et depuis la rédaction de ce texte) d’un grave problème de santé qui semble avoir bousculé sa vie et sa vision de l’existence… je lui souhaite le meilleur rétablissement.

Fabrice M
Fabrice M
photographe - auteur - artiste contemporain
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