Forêt boréale

Forêt boréale

Même si l’été est doux, les températures moyennes aux latitudes de la Norvège restent plus basses et d’une plus grande amplitude que chez nous, les hivers plus longs et rigoureux ; alors que les forêts de nos massifs subsistent jusqu’à 2 400 m, ici elles ont grand peine à dépasser le cap des 1 000m. Les 66°3’15 degrés de latitude nord décalent complètement la physionomie des paysages et des écosystèmes.
Néanmoins, Au sud de Korgen, de vastes forêts de résineux s’étirent jusqu’au grand lac Røssvatnet. Longtemps réputée pour ses constructions navales, Hemnes a pleinement profité de ses fûts de haute qualité. Striées de rivières et de lacs, les massifs comptent aujourd’hui de très précieuses réserves naturelles. Grøftrem, la plus ancienne réserve forestière de Norvège, abrite le chardon des Alpes, la délicate stellaire des bois, le magnifique Trolle d’Europe, ainsi que la remarquable grenouille des bois capable de geler tout l’hiver sans trépasser. Au nord-est du Røssvatnet, la vallée de Spjeltfjelldalen accueil de nombreux oiseaux qui nichent dans ses zones humides. Mais quiconque est sensible à l’appel des forêtssera subjugué par l’ambiance irréelle de la réserve de Sjøforsen. Elle épouse un méandre de la rivière Røssåga, un fabuleux spot à saumons qui attire des pêcheurs du monde entier. Sur 120 ha, cette vieille forêt boréale à la fois tempérée par la rivière et baignée d’une humidité quasi constante, développe une flore et une physionomie paysagère tout à fait rare. L’épicéa y règne en maître. Il s’accroche fermement jusque sur les versants abrupts de la rive, et croit en rangs serrés sur un terrain acidifié par ses aiguilles. Sous son ombre, la matière organique se décompose difficilement : une épaisse couche de mousses hypnacées gorgées d’eau recouvre la totalité du sol et des arbres morts, empêchant beaucoup d’autres plantes de pousser. De minuscules ruisseaux se faufilent au creux de valons envahis de fougères adaptées au manque de lumière. Mais les trésors de Sjøforsen sont probablement ses lichens : la barbe de Mathusalem (Dolichousnea longissima) est devenue très rare en Europe, c’est ici sont poste le plus septentrional. Ce lichen de la famille des Parmeliaceae serait l’ancêtre des guirlandes de Noël ; c’est le plus long lichen du monde qui peut atteindre 3m d’un seul tenant. Il pend sur les branches basses des conifères, ce qui a facilité sa cueillette et sa quasi-disparition. Son cousin, Ramalina thrausta, est en constante diminution en Europe. Il pend sur des branches mortes, sous forme de cheveux entremêlés d’une trentaine de cm.Lobaria pulmonaria, lui, est un large lichen foliacé qui peut s’étaler sur près de 50cm. Sa physionomie rappelle les alvéoles pulmonaires. Fruit d’une symbiose tripartite entre un champignon, une algue verte et une cyanobactérie, il se développe sur l’écorce de vieux arbres. C’est un excellent indicateur de pureté atmosphérique.

S’ouvrant avec parcimonie au tourisme, ce concentré des forêts scandinaves est aussi un hymne à la contemplation.

Fabrice M
Fabrice M
photographe - auteur - artiste contemporain
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