forĂȘts du Nouveau Brunswick

forĂȘts du Nouveau Brunswick

forĂȘts du Nouveau Brunswick

Cette province maritime est surtout 
forestiĂšre ! Les rĂ©sineux y ont la part belle et des tailles impressionnantes. Pourtant, ce n’est rien Ă  cĂŽtĂ© de ce qu’ils furent. Et puis, imaginez : il y a un peu plus de soixante ans, les deux parcs nationaux Ă©taient quasi nus comme des vers ! RasĂ©s de prĂšs. Changement de cap.

Un ocĂ©an d’arbres, Ă  perte de vue. Telle est la vision que l’on a du Nouveau-Brunswick, tandis que l’avion entame sa descente vers l’aĂ©roport de Bathurst. Si la province est dite maritime, elle s’affiche, sans conteste, forestiĂšre Ă  85 % de sa surface. Et encore, cela n’est rien comparĂ© Ă  ce qui existait avant l’arrivĂ©e des EuropĂ©ens


Les Micmac, les MalĂ©cites et les Passamaquoddys furent les premiers habitants du Nouveau Brunswick ; ils passaient alors les quatre mois d’hiver en forĂȘt. Aujourd’hui, les premiĂšres nations ont encore des droits particuliers, dont celui de chasser et de rĂ©colter du bois. Mais avec l’uniformisation des modes de vie, le lien des autochtones avec la forĂȘt s’est distendu ; les hommes qui en Ă©taient les plus proches ont aujourd’hui d’autres rĂȘves


Le secteur forestier est pourtant capital dans l’économie moderne de la province acadienne : il reprĂ©sente 5,1 % de son PIB. Entre les scieries, les papeteries, les usines de placage et de panneaux de particules, on compte 45 moulins. Mais l’industrie forestiĂšre est en dĂ©clin. Si cela pose des problĂšmes humains, « quand des moulins s’arrĂȘtent, ça fait du bien Ă  la forĂȘt, estime Victor Savoie, coordonnateur de la mise en valeur du patrimoine du parc national Kouchibouguac, elle peut se rĂ©gĂ©nĂ©rer. »

La forĂȘt acadienne ne manque pas de magie. Pour s’en persuader, il suffit de parcourir les chemins de randonnĂ©e des deux parcs nationaux de la province, Kouchibouguac et Fundy. A Fundy, la riviĂšre dĂ©vale les rochers moussus au vert franc. Sur l’épais tapis vĂ©gĂ©tal, on trouve quantitĂ© de bryophites (mousses et hĂ©patiques), lichens, fougĂšres, cornouillers, champignons, plantules et arbrisseaux. ForĂȘt exsangue aprĂšs-guerre, Fundy, aujourd’hui rĂ©serve de biosphĂšre, est couvert Ă  95 % par la forĂȘt. Les conifĂšres dominent, avec notamment des sapins baumiers et l’un des derniers peuplements purs d’épinette rouge de l’est de l’AmĂ©rique du Nord. Quand le parc Fundy fut fondĂ©, en 1948, la forĂȘt Ă©tait exsangue : 70 % de sa superficie avait Ă©tĂ© coupĂ©e Ă  blanc. On constate aujourd’hui que les espĂšces vĂ©gĂ©tales indigĂšnes se sont assez bien rĂ©tablies, mĂȘme si le paysage a changĂ©.

A 200 kilomĂštres de lĂ , la forĂȘt occupe plus de la moitiĂ© du parc national Kouchibouguac, crĂ©Ă© en 1969. Les conifĂšres y sont Ă©galement majoritaires. De nombreux petits peuplements mixtes juxtaposĂ©s tĂ©moignent encore de l’activitĂ© humaine antĂ©rieure Ă  sa crĂ©ation (coupes, feux, reboisements de terres jadis cultivĂ©es). Pour aider cette forĂȘt convalescente Ă  se rĂ©gĂ©nĂ©rer, Parcs Canada, qui gĂšre les deux parcs au niveau fĂ©dĂ©ral, a dĂ©cidĂ© de laisser la nature accomplir son Ɠuvre toute seule. La loi sur les parcs nationaux du Canada (2000) prĂ©cise que l’intĂ©gritĂ© Ă©cologique doit ĂȘtre prĂ©servĂ©e et rĂ©tablie dans les zones protĂ©gĂ©es. La rĂšgle est d’intervenir le moins possible,  tout en s’assurant de la conservation des espĂšces indigĂšnes qui composent l’écosystĂšme. Pas question, donc, de couper des arbres, d’allumer des feux ou de ramasser le bois mort, Ă©lĂ©ment clĂ© de la biodiversitĂ© forestiĂšre.

Entre 1952 et 1968, on a massivement arrosĂ© le Nouveau-Brunswick avec du DDT, avant de constater ses effets nocifs sur la faune. Lors de la derniĂšre Ă©pidĂ©mie parasitaire, dans les annĂ©es 1980, le parc national Fundy se refusa Ă  Ă©pandre des insecticides. On sait aujourd’hui que, si la tordeuse des bourgeons de l’épinette fait des ravages, elle contribue aussi Ă  l’équilibre naturel de la forĂȘt borĂ©ale.

En dehors des zones protĂ©gĂ©es, qui ne reprĂ©sentent que 4 % de la surface boisĂ©e de la province, la forĂȘt se partage entre les terres de la Couronne, gĂ©rĂ©es par le gouvernement (50 %) et les terres privĂ©es, dĂ©tenues par les grosses compagnies (18 %) et les propriĂ©taires de lots boisĂ©s (28 %). Mais c’est sur les 3 millions d’hectares de forĂȘts des terres de la Couronne que se concentre la vaste tĂąche des 89 agents de conservation. Les tensions ont Ă©tĂ© vives ces derniĂšres dĂ©cennies entre industriels, propriĂ©taires de lots boisĂ©s, gouvernement et Ă©cologistes. La chasse et le piĂ©geage font partie intĂ©grante de notre culture et de notre Ă©conomie », affirmait le ministre des Ressources naturelles, Bruce Northrup : en 2011, la vente de permis de chasse a rapportĂ© plus de 5 millions de dollars au ministĂšre (orignal, ours, cerf de Virginie). Une gestion durable et concertĂ©e est expĂ©rimentĂ©e Ă  Fundy depuis 1992 dans le cadre des « forĂȘts modĂšles » canadiennes. Le ministĂšre prĂ©conise l’adoption d’autres mĂ©thodes que la coupe Ă  blanc, encore largement pratiquĂ©e (70 %). Il y a urgence. Selon le Conseil de conservation de Nouveau-Brunswick, la proportion de forĂȘt mature – plus de 80 ans – serait passĂ©e de 70 % en 1970 Ă  45 % en 2004. Le pari d’une gestion forestiĂšre durable est-il tenable ?

Fabrice M
Fabrice M
photographe - auteur - artiste contemporain
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